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Libération
Critique

Leurres du crime

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A travers une historiographie régionale, une réflexion originale sur une réalité irréductible à quelques schémas types.
publié le 30 mars 2000 à 23h12

Qu’est-ce que le crime au juste ? Par-delà la rigueur apparente des articles du code, comment parvenir à cerner cette construction complexe où se mêlent en permanence transgressions à la norme, perceptions et tolérances collectives, exigences morales, institutionnelles ou étatiques ? La question semble encore plus délicate pour l’historien, contraint de saisir ces phénomènes dans leur incessante mobilité. Ceux qui s’y sont risqués n’ont généralement appréhendé que quelques-uns des éléments constitutifs du fait criminel, comme le fonctionnement de la machine judiciaire et sa production statistique, la philosophie pénale, les questions pénitentiaires ou certaines des représentations du phénomène. Mais le crime en lui-même s’y résorbait comme en un point aveugle. En dépit de son titre et de son lieu d’édition, les Criminels du Poitou de Frédéric Chauvaud constitue bien plus qu’une simple monographie régionale. Si le corpus sur lequel il se fonde (les archives judiciaires des Deux-Sèvres et de la Vienne) est bien originaire du Poitou, région rurale et finalement assez paisible, l’ouvrage développe une réflexion originale, qui éclaire l’ensemble des problématiques historiques sur le crime.

Délaissant à juste titre «la comptabilité criminelle», qui ne renseigne jamais que sur le rendement des administrations, l’auteur privilégie une approche plus culturelle et anthropologique, centrée sur les diverses figures du criminel. Car c’est bien incarné sous les traits du coupable, individu