Menu
Libération
Critique

Par les temps qui courent. Comment faire aller ensemble l'impatience médiatique et la patience que requiert la démocratie. Un essai de Sylviane Agacinski. Sylviane Agacinski. Le Passeur de temps. Modernité et nostalgie. Seuil, 216 pp., 125 F.

Article réservé aux abonnés
publié le 30 mars 2000 à 23h12

C'est entendu: il n'y a plus de raisons de croire qu'il y ait dans

l'histoire une Raison qui d'étape en étape, de monde en monde dirait Hegel (oriental, grec, romain, germanique"), la conduit à son apogée et à son terme. Plus de raisons de penser que les mouvements qui emportent nos sociétés soient unifiables ou orientés: les adeptes de la religion du Progrès sont orphelins et naviguent aujourd'hui à vue. Faut-il alors se laisser aller à la plainte sur l'«ère des technologies» ou chanter l'hymne du «bon vieux monde» d'antan? Ni l'un ni l'autre, dit Sylviane Agacinski dans le Passeur de temps. Plutôt penser la modernité comme nouveau rapport au temps, au temps qui ne fait que passer, dans un embrouillamini de séquences, sans laisser derrière lui un sillage faisant mémoire, sans durer dans le présent ou définir quelque chose de suffisamment durable pour engendrer sens et valeur, sans préfigurer des lendemains capables, en idéal, d'aimanter les volontés. Plutôt, autrement dit, penser une «éthique de l'éphémère».

Dans la tradition occidentale, depuis Parménide et Platon, faire l'épreuve du caractère passager de l'être et des choses, c'est se condamner aux opinions contradictoires, aux conjectures, aux jeux trompeurs des ombres et des apparences, car il ne peut y avoir de connaissance vraie que de l'immuable, de l'intemporel. Renoncer par force à l'être, et ne compter que sur le devenir, c'est laisser la proie pour l'ombre: et l'expérience est inévitablement douloureuse, car elle e