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Critique

Tout à la foi. Un essai du philosophe Jean-Louis Chrétien sous le signe de la révélation. Jean-Louis Chrétien. Le Regard de l'amour. Desclée de Brouwer, 266 pp., 135 F L'Inoubliable et l'inespéré. Desclée de Brouwer, 184 pp., 125 F.

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publié le 30 mars 2000 à 23h12

Le mal, assurément, se décline. On peut en faire un peu ou beaucoup,

c'est toujours mal. Mais on ne peut pas faire un peu le bien. On est déjà défiant ou méfiant quand on n'est qu'un peu confiant, et l'amour n'est pas amour s'il aime bien, un peu ou énormément. A une vertu, il ne faut presque rien pour devenir une petite vertu. Ainsi en est-il de la modestie, qui tourne en son contraire dès qu'elle s'affirme, ou de l'humilité, qui ne peut même pas se dire telle sans laisser percer quelque orgueil. Dans le Regard de l'amour, qui paraît en même temps que la réédition de l'Inoubliable et l'inespéré, une méditation «joyeuse et fortifiante» sur la perte («sans faille, comment exister? sans vide, comment cheminer?»), Jean-Louis Chrétien revient sur ces paradoxes de la morale, et, plus généralement, sur les paradoxes de l'existence, laquelle peut se trouver malheureuse de ne point être confrontée au malheur, être saisie de joie et trembler de crainte, chercher les mots pour dire ce qui lui arrive et ne pas entendre l'appel de Celui par qui tout arrive. Mais il ne le fait pas à la manière d'un Jankélévitch, pour qui le ciel est désert, ni à celle d'un Lévinas qui, éclairé par la Bible et les textes talmudiques, maintient qu'«un verset n'est pas une preuve». Le discours philosophique, allant de saint Augustin à Luther et à Kierkegaard, est ici «baigné» dans la lumière de la révélation. Aussi la certitude qu'à Jean-Louis Chrétien apporte la foi chrétienne ­ une certitude qui ne se sous