Menu
Libération
Critique

Coupure de presse. Une charge bourdieusienne sur le manque de liberté des journalistes, et un essai plus optimiste de Cyril Lemieux. Cyril Lemieux. Mauvaise presse. Une sociologie compréhensive du travail journalistique et de ses critiques. Métailié, 456 pp., 149 F. Actes de la recherche en sciences sociales. Le journalisme et l'économie. N° 131-132, Seuil, 142 pp., 98 F.

Article réservé aux abonnés
publié le 6 avril 2000 à 0h15

«La sociologie du journalisme est exposée à ne rien dire sur le

journalisme que le journalisme ne sache déjà», écrit, un peu désabusé, Patrick Champagne en présentant le numéro double qu'Actes consacre aux liens entre presse et économie. Moins sûr des capacités d'auto-analyse des journalistes, Cyril Lemieux se montre en revanche beaucoup plus optimiste, dans Mauvaise presse, sur leurs possibilités d'autocorrection par rapport aux dérives dont les accablent l'opinion et les critiques. Tout simplement, les appréciations, souvent opposées, des deux sociologues s'éclaircissent quelque peu quand on aura dit leur position vis-à-vis de Pierre Bourdieu, le dernier en date des grands pourfendeurs des médias et directeur de la Revue Actes, dont Patrick Champagne est un brillant disciple, alors que Cyril Lemieux est un élève, tout aussi brillant, de Luc Boltanski, ancien complice de ce même Bourdieu mais dont il est désormais séparé par une brouille apparemment irrémédiable.

Compréhensive, la sociologie de Cyril Lemieux entend épouser, pour le critiquer de l'intérieur, le point de vue des gens de presse, et dénoncer en même temps la définition à ses yeux excessive qu'en donne Bourdieu: «des marionnettes d'une nécessité qu'il faut décrire». Dans le sillage de Boltanski, Lemieux entend ainsi déployer «une sociologie qu'on pourrait dire, par opposition aux sociologies de l'habitus, une sociologie du conatus - c'est-à-dire des inflexions et des pertinences motivationnelles qui inclinent les