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Libération
Critique

La baraka de Baricco

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Ce n'est pas parce qu'on est riche, beau et plein de succès qu'on doit écrire de mauvais romans. Alessandro Baricco , l'auteur de «City», l'a bien compris.
publié le 6 avril 2000 à 0h17

Riche et célèbre. Alessandro Baricco est riche et célèbre. En

Italie, surtout, célèbre. Dans les rues de Turin, la ville où il est né voici quarante et un ans, il porte des lunettes noires au volant de son coupé en aluminium allemand pour ne pas être reconnu, et pour que ceux qui le reconnaîtraient voient bien qu'il est célèbre et riche. Il est jeune, il est beau, il réussit à protéger sa vie privée. Il a du succès. Bref, il a tout ce qu'il faut pour agacer. Tellement qu'il mériterait d'écrire de mauvais livres. Mais bon, tant pis pour nous, Alessandro Baricco est un bon écrivain, un magicien du récit, un équilibriste, on l'a traité de lanceur de chats tant il jette ses livres cul par dessus tête et qu'ils retombent toujours sur leurs pattes, au millimètre, et parfois même sur les nôtres. Son dernier livre, City, fait le saut de la mort après roulements de tambour: un bond de près de quatre cents pages, neuf sauts périlleux du chat dans le soleil, et lorsqu'il retombe sur ses pattes, c'est un autre chat. On en est tout éclaboussé.

Les romans d'Alessandro Baricco sont parvenus en France dans un désordre chronologique qui n'a pas nui à leur diffusion, et la virtuosité de sa traductrice, Françoise Brun, garantit la cohérence d'une oeuvre disparate, d'une oeuvre qui mise sur toutes les couleurs du tapis et rafle à chaque fois le banco. En 1995, son premier roman, premier traduit, les Châteaux de la colère (Albin Michel), obtient le prix Médicis étranger, atteint les 25 000 exempl