A 50 ans, Hanan El-Cheikh est l'un des auteurs arabes les plus
traduits et lus aujourd'hui en Occident. Le Cimetière des rêves est son quatrième ouvrage traduit en français: un recueil de quinze nouvelles, autant de portraits de femmes à fleur de peau. Comme son écriture, attentive au souffle du désert, à l'éclat de lune, à la morsure du scorpion. Pour la première fois, Hanan al-Cheikh aborde le monde des immigrés: le choc des cultures et la rencontre impossible, les déceptions tues, le désir frénétique de consommation.
De quel milieu venez-vous? Comment êtes-vous venue à l'écriture?
Je suis née à Beyrouth, dans une famille chiite du sud du Liban. J'ai toujours été un peu à part. Enfant, je jouais seule, à l'écart. Mon père était commerçant. C'était un homme très pieux, un peu mystique, qui a eu une enfance très dure. De sa vie, il n'a jamais écrit autre chose que des colonnes de chiffres et les versets du Coran. Quand j'avais 5 ans, ma mère, qui avait fait un mariage forcé, est partie avec un autre homme. Avec mon père, nous nous sommes installés dans le sud jusqu'à l'âge de 13 ans. Il pleurait tout le temps. On vivait en vase clos, comme sous emballage. Dans notre immeuble à Beyrouth, j'étais la petite fille dont la mère est partie et dont le père lave tout le temps la cage d'escalier. Je me suis toujours sentie un peu d'ailleurs déplacée. Je suis un peu comme ces fleurs sauvages qui poussent dans le désert, sans terre et sans humus. Je ne dois rien à cette société, elle ne