Claude Levi-Strauss n'est pas le plus mal placé pour le dire: il y a
«une ethnologie pré-malinowskienne et une ethnologie post-malinowskienne». Il n'indique pas par là que son propre travail doit aussi quelque chose à cette «rupture épistémologique», mais que Bronislaw Malinowski est de ceux qui, au lieu d'apporter des réponses supplémentaires aux questions, les changent, découvrent d'autres continents, et donc se posent en «pères» d'une discipline. Né en 1884 à Cracovie, Malinowski a fait toute sa carrière académique en Angleterre, à la London School of Economics, avant d'aller, dans les dernières années, aux Etats-Unis (Yale), où il meurt en 1942. Pendant la Première Guerre, il se trouve «interné» en Australie, en tant que sujet «austro-hongrois». C'est de là qu'il part en Nouvelle-Guinée pour ses deux enquêtes ethnographiques chez les Mailu et les Trobriandais. La Vie sexuelle des sauvages qui, traduite en français un an après sa parution en 1929, n'était plus rééditée depuis 1970 a largement contribué à sa renommée. Et ceci pour deux raisons au moins. D'abord parce que la description qui s'y trouve des démarches amoureuses, du mariage et de la vie de famille des indigènes des îles Trobriand, en elle-même exceptionnelle, est un modèle d'«observation participante», a révolutionné la pratique du «terrain» et lui a donné un statut scientifique. Ensuite parce que les résultats de l'enquête interpellent d'autres sciences humaines, la psychanalyse avant tout, et plus précisém