Kaya était chanteur, il chantait du seggae, un rythme qu'il avait
inventé, entre le reggae de la Jamaïque et le sega de son pays, l'île Maurice. Il avait aussi inventé son nom, Kaya, le mot désigne la marijuana en jamaïcain, avant, il s'appelait Réginal Topize, comme tout le monde. Mais il avait beaucoup fumé, beaucoup joué de musique avec son groupe, Racine Tatane. Il avait sa petite réputation dans l'océan Indien, son caractère aussi. D'autres avaient fait de l'argent avec ses titres, lui pas. Il s'en foutait.
Le 16 avril, un mardi, lors d'un concert à Rose Hill, au centre de l'île, organisé par le Mouvement républicain, selon la tradition, comme d'autres musiciens, Kaya avait fumé un joint sur scène, dans un pays où cela reste une provocation. Deux jours plus tard, Kaya est arrêté, il reconnaît, il est emprisonné. On doit le libérer le lundi, on paye sa caution. Le dimanche, il est retrouvé mort, le crâne fracassé dans sa cellule, personne ne sait comment, il avait 38 ans. On l'appelait le Marley de Maurice, celui qui chantait «I got to have Kaya now».
Les Jours Kaya de Carl de Souza ne disent rien de tout cela, ce que le livre raconte se passe au lendemain de la mort de Kaya, lorsque la nouvelle se répandit dans les quartiers pauvres de l'Ile, les émeutes, les pillages, les incendies, les morts peut-être, quatre cinq, qui sait? Il dit le périple de Santee, une jeune Indienne de15 ans que sa mère envoie chercher Ram son petit frère à la sortie de l'école. Elle ne le trouve