Menu
Libération
Critique

Oraisons sociales.

Article réservé aux abonnés
Des tranches de vies tragico-dérisoires qui s'engluent dans les toiles d'araignées des stages d'insertion et autres modules relationnels.
publié le 6 avril 2000 à 0h16

Yves Pagès co-dirige les éditions Verticales. Il en fut le premier auteur publié en 1997 avec Prières d'exhumer. Il revient pour vingt-trois petits croquis décrivant l'aliénation du travail moderne. On a ainsi un prof séropositif et d'autres allergiques aux élèves, un José qui fait le Pluto chez Disney pour 35 balles de l'heure («Pluto que rien»), un correcteur fou qui se prend pour un dauphin, un garçon-boucher cardiaque, dépressif et viré, un télévigile et d'autres points de vue tragico-dérisoires sur les sans-papiers piégés à l'aéroport, les drogués rééduqués à la dure, une Suédoise échouée dans un stage d'insertion. Comme toutes ces petites histoires sont plus ou moins inspirées de la réalité, rôdent entre ces pages des bataillons de consultants, chasseurs de têtes, formateurs ès pipo et autres cabinets d'audit qui dispensent leur savoir en «modules relationnels» ou «d'autoévaluation», le tout dans d'élégants «espaces» enculage-de-mouche.

Dira-t-on la charge un peu pesante, le didactisme un peu épais? Lorsqu'il stigmatise le malaise ambiant, Yves Pagès compare la rengaine du SDF métropolitain à celle du chômeur devant le recruteur ou alors il pointe le néocolonialisme des boutiques branchouilles arborant leur «afro-fétiche à l'entrée, le bon prétexte humaniste en vitrine»: mais de ces vigiles, on lit sur l'«écusson réglementaire, une seule marque déposée: Nègre©.» L'horreur économique atteint des sommets avec «Il était une fois l'aliénation» où Jean-Louis, déguisé en tra