Menu
Libération
Critique

Mélanie Klein par Julia Kristeva: avec vue sur la mère

Article réservé aux abonnés
La vie d’une pionnière de la psychanalyse, par une autrice qui revendique son empathie.
publié le 13 avril 2000 à 0h07

«Je désire faire remarquer, ladies and gentlemen, qu’il y a un raid aérien.» Donald W. Winnicott a du mal à se faire entendre. Ses collègues sont trop absorbés dans leurs débats pour songer courir aux abris. Ils ne parlent pas de la Luftwaffe ou de Churchill. Mais de la vie psychique du nourrisson. Dans la phase narcissique, la relation d’objet est-elle marquée par des enjeux libidinaux et agressifs, ou bien le vécu de l’enfant se réduit-il au désir de gratification instinctuelle? Les V1 tombaient sur Londres, mais, dans la guerre, il y avait une autre guerre, à la fois bataille théorique et lutte pour le pouvoir au sein de la Société britannique de psychanalyse. Les «Controversial discussions» échauffaient les esprits depuis janvier 1943. Mais leur origine remontait à l’époque où, fuyant le nazisme, maints analystes berlinois et viennois (Freud arrivera avec sa famille en 1938) s’étaient installés à Londres et avaient pris de face le «vent nouveau» que faisait souffler sur la théorie freudienne orthodoxe une femme de caractère: Melanie Klein. Une hérétique, selon certains, dont sa propre fille Melitta Schmideberg, Anna Freud (1) ou Edward Glover. La «refondatrice la plus hardie de la psychanalyse moderne», l’inventrice de la psychanalyse pour enfants, selon Winnicott, Ernest Jones ou Joan Riviere. A Melanie Klein, disparue il y a juste quarante ans, Julia Kristeva consacre le deuxième volume de sa trilogie sur le Génie féminin (2), un ouvrage tout en empathie pour la femm