C'était l'heureux temps où les professeurs s'adressaient aux élèves
de l'Ecole normale supérieure en leur donnant du «Messieurs». Cette aimable austérité n'empêchait pas notre bonhomme de risquer de défrisants apartés sur, ou plutôt contre, l'actualité littéraire: «L'éducation classique vous pourra bien retenir sur la pente, prédit-il fort justement à ses étudiants, mais, au fond du coeur, vous inclinerez vers les symbolistes, et vous oserez à peine le dire, mais vous saurez un jour par coeur les vers "inégaux» de M. Paul Verlaine ou les «proses» de M. Stéphane Mallarmé.» Il n'aime pas ça, mais il sait que c'est bon. Que Brunetière (1849-1906) ne soit pas un foudre de guerre moderniste, on s'en aperçoit encore lorsqu'il s'exprime sur Taine, le grand-père de la critique sociologique, champion du déterminisme applaudi par Zola et qu'il corrige: «Il semble qu'on ne puisse pas traiter la littérature ou l'art comme des documents, et qu'on doive tôt ou tard, après en avoir proclamé la relativité, y réintroduire la notion d'absolu, sous le nom de beauté.»
Alors, comme se le demande Béatrice Mousli dans sa préface, pourquoi aller déterrer cet universitaire qui sentait déjà le moisi de son vivant? C'est que son dada particulier consistait à découper l'histoire littéraire en genres, plutôt que de se concentrer sur la figure de l'auteur comme la plupart de ses prédécesseurs. Et de se demander: 1) «la peinture de genre aurait-elle pu précéder la peinture religieuse; ou, pareillement, da