«Nietzsche est l'individu qui, à lui tout seul, a élevé le niveau
général de nos pensées sur la vie, et il y est parvenu par un puissant détachement à l'égard des hommes et des choses qui l'entouraient, si bien que nous sommes contraints de partir du niveau qu'il a imposé.» Responsable (avec Mazzino Montinari) de l'Edition critique des oeuvres complètes de l'auteur de Zarathoustra, réalisée selon l'ordre chronologique pour trois éditeurs européens (1), Giorgio Colli s'est donné pour tâche de restituer dans son intégrité le texte nietzschéen, et n'a pas arrêté, jusqu'à la fin de sa vie, de le commenter, comme l'attestent ses Cahiers posthumes. Cependant, la relation intime avec la pensée de l'homme qui a su dévoiler ce que la modernité a fait de nous, pousse le philosophe italien à redoubler de vigilance, voire de sévérité, pour mieux en dénicher les imperfections, les ratages, les erreurs" En cela, à cause de sa dureté implacable, de ses emportements sans indulgence, l'Après Nietzsche de Colli est une leçon de fidélité et un geste philosophique définitif, car «être juste envers lui ne signifie pas non plus aboyer contre lui comme des roquets haineux et imbéciles».
Comédien de la pensée, graphomane, mauvais dialecticien, hypnotisé par le problème de la vérité, moraliste qu'excitait le vice de la solitude, Nietzsche a été néanmoins «le grand libérateur», celui qui a désencombré le chemin de l'homme autant de Dieu que des vieilles philosophies. Il a opposé, certes de manière ind