Une traduction traduit aussi les sentiments de son auteur, son être
profond. Un congrès réunit des traducteurs dans un hôtel inachevé d'une station balnéaire argentine (Pablo de Santis, l'auteur du roman, est né à Buenos Aires en 1963). L'organisateur a invité Kuhn: «J'avais besoin de quelqu'un qui puisse parler de ces langues inventées, perdues, artificielles. Est-ce de ma faute si les gens sérieux ne s'occupent pas de ce genre de choses?» Très vite, une autre question se pose: «Y aurait-il un assassin parmi les traducteurs?» Car les cadavres se multiplient, de phoques et de congressistes. On trouve une vieille pièce dans leur bouche, sous leur langue morte. Un tel indice est-il interprétable dans une langue vivante? Quel enquêteur saura-t-il le traduire? Quel secret liait entre eux les victimes humaines?
«Le véritable problème pour un traducteur, dit dans son exposé Naum, un des participants, c'est le silence d'une langue ("), car tout peut être traduit, excepté la façon dont une oeuvre se tait; et pour cela, il n'existe aucune traduction possible.» La langue d'avant Babel, si on la connaissait, offrirait certainement des solutions à l'énigme des cadavres s'accumulant. Ludique, original et émouvant, la Traduction ressemble ainsi à une énigme linguistique dont les épigraphes des diverses parties donneraient des solutions de lecture. Ainsi de celle-ci, attribuée à un certain Ulises Drago (qui «parlait une langue incompréhensible inventée par lui») dans Babel: «Une langue mater