C'est 1776. Germaine Necker a 10 ans. Elle est assise sur un petit
tabouret de bois où sa mère l'oblige à garder le dos droit. Elle se tient au salon privilège rare pour une enfant parmi les invités qui ne sont pas n'importe qui mais Diderot, d'Alembert, Chamfort, Buffon et consorts. Germaine écoute, parfois même intervient puisque ses parents le permettent. Ses parents non plus ne sont pas n'importe qui. Son père, le banquier genevois Jacques Necker, fut le très populaire directeur des Finances de Louis XVI. Sa mère, née Suzanne Curchod, tenait l'un des plus grands salons du temps. Elle adorait la Raison, aimait de passion son mari, n'avait qu'une seule peur: être enterrée vivante. En 1790, Suzanne Necker publie une petite brochure, Des inhumations précipitées. Elle y explique qu'il faut s'assurer plutôt huit fois qu'une de la mort des gens à l'aide de scarifications sur les omoplates ou de brûlures sur le ventre. Lorsque meurt Madame Necker, Germaine, devenue de Staël par son mariage avec l'ambassadeur de Suède, est atterrée de voir son père suivre à la lettre les prescriptions de sa femme. Mais Germaine obéira aussi au testament de sa mère lors des funérailles de son père. Les deux corps placés l'un à côté de l'autre furent plongés dans une cuve à vin après avoir été «drapés dans la robe de chambre de Madame Necker que son mari avait conservée, dix ans durant sous son oreiller. Puis on a refermé la porte de fer du monument et on l'a murée» raconte le comte d'Haussonv