Au détour d’une conversation qui fera germer l’idée du voyage, Jan Borm me dira le premier que des touristes, faisant du récit un guide, partent maintenant en Patagonie «le Chatwin» en poche . Outre l’effet Hulot (Nicolas) sur le touriste français, Luis Azua me confirmera ce fait avant le départ, précisant que, dans l’ordre, En Patagonie est préféré aux livres de Coloane, Raspail et Hudson qui est un peu à la Patagonie ce que Stendhal est à l’Italie aujourd’hui et que les voyageurs anciens, Cook et Darwin, sont moins lus (1). C’est donc sur ces entrefaites (entre la victoire de la gauche au Chili et le retour triomphal de Pinochet) que, marcheur d’occasion travesti en randonneur impavide, touriste parmi les touristes, je suis parti le 4 février en Magellanie, comme dirait Jules Verne, à la recherche de l’effet Chatwin.
A l'heure où le tourisme littéraire connaît un évident regain sous la forme de circuits à thème scénarisés par des récits ou romans invitant les touristes à faire de leur voyage un jeu de piste suivant à la trace un prédécesseur réel ou imaginaire, je suis allé voir si la lecture de Chatwin nourrissait bien ces voyageurs: si ce travail narratif de l'espace informait leurs périples comme Loti peut guider la visite d'Istanbul, Pessoa celle de Lisbonne, Borges celle de Buenos Aires, Giono celle du Lubéron ou Conrad celle de l'Orient.
Cette enquête débuta dans un climat en harmonie avec mes sentiments. En dépit des jours longs de l'été austral, le ciel gris-bl