Menu
Libération
Critique

Dieu encore mort

Article réservé aux abonnés
L'Europe, «chacun le sait, tous en témoignent», précipite en mécréance. Les inquiétudes d'André Glucksmann.
publié le 11 mai 2000 à 0h28

Les critères qu'une oeuvre devrait faire siens pour être dite «de philosophie» seraient assurément trop universitaires s'ils empêchaient qu'en note de bas de page on enchaînât des références à Aristote, à un discours de Jean Paul II, à une enquête de Newsweek et à un numéro spécial de Télérama. Et ils seraient franchement académiques s'ils interdisaient des intertitres tels que «Et dieu créa la vamp», «Le péché original "mass-médiatique» ou «Sens et télé-non-sens». Aussi, André Glucksmann, dans la Troisième Mort de Dieu, a-t-il raison de s'en moquer: il exprime en son nom des «idées», dit «je», peut bien se servir d'un sondage de la Sofres («Dans lesquelles de ces occasions doutez-vous de l'existence de Dieu?») pour asseoir ses développements, et même voir dans ses résultats («Lors des génocides dans le monde comme au Rwanda: 40%») un résumé de «l'expérience intérieure du siècle». Qu'importe au fond le flacon" Mais d'où pourrait ici venir l'ivresse? De la tentative d'expliquer une mutation «profonde et mystérieuse», une «irrésistible modification d'atmosphère», qui en «vagues diffuses», déplace «l'ensemble des manières de vivre, d'aimer et de mourir», à savoir, donc, la troisième mort de Dieu, venant après celle qu'il s'est donnée lui-même et celle, plus lente, qu'ont provoquée Marx et Nietzsche.

«Les pages qui suivent, écrit Glucksmann, s'adressent à des curieux qui ne présupposent pas que Dieu soit une affaire bouclée, un problème d'avance résolu par la négative ou la posit