Pierre Courtaud, 48 ans, vit dans la Creuse. Ne reculant devant
aucune surdétermination, il habite même La Souterraine. C'est là qu'il a déjà écrit plus de soixante-dix ouvrages et qu'il dirige les éditions de La Main courante, où il vient de traduire le Roi ou On ne sait quoi de Gertrude Stein. Joint par téléphone, il se révèle grand fan de celle qu'il appelle Miss Stein (1) et aussi de Wittgenstein. Ça rime. «Pour leur conception du langage». Il aimerait bien savoir d'ailleurs ce qui a pu s'accointer intellectuellement entre ces deux-là, mais Miss Stein était très jalouse de sa renommée, explique-t-il, et «il suffisait qu'on nomme Joyce devant elle pour ne plus jamais être invité». Du coup, elle ne parla jamais de Wittgenstein. Or, comme le note Hervé Bauer en postface, «les choses c'est aussi ce qui ne se passe pas».
Avec L. dans la boutique obscure, on s'attend ainsi à voir du sang sur le sol de la salle à manger. Mais de crime, point, sinon le viol salutaire de la langue: «Il est très important qu'il y ait eu un crime dans la boutique. Il n'y avait jamais eu de crime dans la boutique et s'il y en avait eu un voilà comment les choses se seraient passées»" Sur ce «sujet balzacien» et autobiographique («L. c'est moi», s'amuse l'auteur), Pierre Courtaud a bâti un petit livre fort steinien. Le récit s'élabore en tournant autour du pot, en tournant sur soi-même, à la façon dont les enfants racontent des histoires, des mensonges, sans s'embarrasser de la vraisemblance, avec ce s