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Libération
Interview

Coeur de Thiêp

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Réalisme violent et intuition poétique pour mieux exhorter au devoir d'humanité. Rencontre à Paris avec Nguyên Huy Thiêp.
publié le 18 mai 2000 à 1h08
(mis à jour le 18 mai 2000 à 1h08)

Nguyên Huy Thiêp, sans doute le plus grand écrivain vietnamien contemporain, n'est pas du genre souriant. Il est attentif. Il parle avec douceur et conviction: «Je suis né au Nord en 1950. J'appartiens à la génération des écrivains d'après-guerre, celle d'après 75. Avant, l'individu n'avait pratiquement pas droit de cité dans la littérature, la politique occupait toute la place. Mais, avec ma génération, la question de l'individu a resurgi, et on a franchi une nouvelle étape. Moi, ce qui m'intéresse, c'est parler de l'individu, avec ses joies et ses peines, ses aspirations, ses espoirs. J'écris également sur la violence des sentiments, cette violence contenue dans tous les rapports humains.» Parler de la violence qui sous-tend le commerce des hommes, pour lui, c'est a contrario rappeler au devoir d'humanité.

Nguyên Huy Thiêp ne verse pas pour autant dans le militantisme ou le messianisme. Son engagement ne se résume qu'à cet aveu: «L'écrivain ne peut pas sauver le monde mais peut en soulager, tant soit peu, les souffrances.» Il dépeint les situations avec une lucidité déconcertante. Son regard devient un avertissement. Dans la nouvelle «Un général à la retraite», le narrateur, un ingénieur de 37 ans, raconte comment le retour de son père au sein de la famille bouleverse sa vision des choses ou peut-être, simplement lui fait recouvrer la conscience de certaines valeurs. «A la maternité, ma femme était chargée des avortements et des curetages. Tous les jours, elle récupérait