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Libération

Le commun du mortel.

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Toujours en attente, jamais réalisée, la communauté traverse, de Hobbes à Bataille, l'histoire de la philosophie politique.
publié le 25 mai 2000 à 0h50

Comment dire «nous» autrement que comme un «on» (tous, mais finalement personne) et autrement que comme un «je» (une seule personne, ce qui est encore personne)? La question est simple et néanmoins décisive qui sous-tend Communitas de Roberto Esposito. Elle traverse la philosophie politique moderne et, rappelle Jean-Luc Nancy dans sa présentation, a connu au XXe siècle une dramatisation, du fait que l'humanité a démontré une «capacité insoupçonnée» de se détruire, au nom, justement, de la communauté. Ce n'est certes pas un hasard que ce soit Nancy à introduire en France la pensée exigeante de ce professeur de l'histoire des doctrines politiques à l'université de Naples. C'était d'ailleurs lui qui, à la suite de Bataille et de Blanchot, avait rouvert le débat, il y a une vingtaine d'années déjà, avec sa Communauté désoeuvrée.

Pour déblayer le chemin, Roberto Esposito déconstruit le terme même de communauté. En latin, communitas, rappelle-t-il, est composé de deux mots: cum, notre «avec», et munus, «tâche», devoir, charge, don. En français, ce mot munus se retrouve dans des expressions du genre immunité, immunisé (sans munus, non astreint à, dispensé de quelque chose), mais aussi dans munificence (luxe, dépense gratuite). Aussi, la communauté met-elle finalement en commun le munus, non pas un droit, quelque chose à partager, qui serait le «propre» de ses membres, mais une charge, un manque, une dette, finalement rien, mais un Rien qui fait le Sens. Pour Esposito, cette idée de