La vie est un ressassement, dans Arbre sans vent, gens et coutumes
sont à leur place, mais finiront un jour par être emportés. Il ne suffit pas du mouvement naturel des choses, la révolution a succédé à la guerre. Au fin fond de la Chine, au lieu-dit le village des Nains, «le plus reculé des monts Lüliang», une jeune femme, Nuanyu, a été accueillie avec ses morts, son petit frère, son bébé enterrés là. Les hommes s'occupent d'elle. Parmi eux, les chefs.
Nuanyu n'est pas politiquement correcte. «Nuanyu couche avec l'ennemi de classe», constate Kugen le sévère «jeune instruit», «orphelin de martyr» à 6 ans, si bon communiste que le chef principal lui a confié «la grande oeuvre de l'assainissement des rangs de classes». L'ennemi de classe, Oncle Boiteux, sait bien qu'à lui tout seul, lui le «paysan riche», il donne un semblant de réalité à cette entreprise d'assainissement. Oncle Boiteux va se suicider, à cause des chefs, de Kugen, de Nuanyu.
Chacun donne son point de vue tour à tour, les monologues sont drus, les mots, les pensées, les gestes se précipitent en simultané. C'est une prouesse des traductrices d'embarquer le lecteur sur ce manège de manière à ce qu'il ait juste le tournis nécessaire. Un enfant chapardeur: «Je dis, Oncle Boiteux va tous les jours à cette heure chercher du millet avec sa palanche sur l'aire de battage, je te garantis qu'il ne nous verra pas.» Le chef de brigade, apprenant le suicide du vieux à Kugen: «Ses deux perles de pierre ne voient pas du tout c