C'est en 1989 que fut créé à Péronne, dans la Somme, le Centre de recherches de l'historial de la Grande Guerre. Depuis cette date, le petit groupe de chercheurs qui constituent cette équipe a, au prix d'une masse considérable de travaux, fondamentalement renouvelé l'approche et la compréhension de la Première Guerre mondiale. Principaux représentants français de cette «Ecole de Péronne», Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker signent avec ce livre une première synthèse, dont les deux chapitres initiaux («la Violence», «la Croisade») ramassent l'essentiel de l'acquis, tandis que le dernier («le Deuil») ouvre vers des perspectives plus neuves. Délaissant les approches militaire ou diplomatique du conflit, les historiens de Péronne ont placé la notion de «corps» au centre de leur réflexion. Corps combattants, confrontés à l'expérience inédite de la mort de masse et au dépassement des seuils de la violence, corps civils exposés dans les zones de combat à des situations extrêmes (occupation, déportations, travail forcé, massacres), ailleurs à un interminable cortège de souffrances, celles des parents, des veuves, des orphelins, tous soumis à grande échelle au traumatisme de la perte de l'être cher. Pour les auteurs, une telle «brutalisation» des sociétés en guerre, qui porte en elle une rupture du procès de civilisation et apparaît comme la matrice des désastres à venir du XXe siècle, ne fut possible que parce qu'elle rencontra un «consentement» général, «l'investissement aff
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par Dominique Kalifa
publié le 8 juin 2000 à 2h03
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