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Libération
Critique

Corbin fait sensations.

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Un essai sur celui qui s'attache, au travers du désir et de la fonction des odeurs, à faire de la «culture du sensible» un véritable objet d'histoire.
publié le 8 juin 2000 à 2h03

En une dizaine d'ouvrages, régulièrement publiés à la suite de sa thèse consacrée en 1973 aux Limousins du XIXe siècle, Alain Corbin s'est peu à peu imposé comme l'historien le plus inventif de la France contemporaine. Appréciée et commentée par ses pairs, lue par un public de plus en plus large, abondamment traduite à l'étranger, son oeuvre apparaît à la fois comme le produit d'un «moment» (elle a accompagné, et par beaucoup d'aspects précipité, le transfert de problématique par lequel l'historiographie française s'est émancipée du tout-économique et social triomphant dans les années 60 et 70 pour s'ouvrir à des approches plus anthropologiques ou culturelles), et celui d'une démarche plus personnelle, mue par un profond désir d'histoire, par intuition ou parfois par défi. La série d'entretiens que l'historien a donnée à Gilles Heuré permet de faire retour sur ce quart de siècle d'innovations et de ruptures.

Passons sur les essais d'ego-histoire qui ouvrent et qui referment l'ouvrage, et dans lesquels Alain Corbin revient sur son enfance normande, ses études à Caen, sa guerre d'Algérie ou ses diverses expériences de professeur, à Limoges, à Tours ou à Paris, pour souligner surtout la cohérence du programme scientifique. Dans le sillage de Lucien Febvre, qui réclamait dès 1938 une «histoire des sentiments» et des «sensibilités», Alain Corbin s'est en effet attaché à faire de la «culture sensible» un véritable objet d'histoire. Qu'il s'agisse des formes du désir masculin, de la