Menu
Libération
Critique

Le blanchiment de l'argent propre

Article réservé aux abonnés
En dénonçant les «affaires sales», justice et médias ont installé, sous couvert de «transparence», la domination de l'argent. Michel Surya enfonce le clou.
publié le 8 juin 2000 à 2h03

Biographe remarqué de Georges Bataille, directeur de la revue Lignes, l'écrivain Michel Surya entend lutter contre «cette forme d'horreur sans borne de l'acquiescement de tous à tout ce qui est». Certes, le thème de la pensée molle et du consensus n'est pas très frais. Mais quand on sait que Lignes, placée sous le signe pugnace de Bataille, Blanchot ou Mascolo, a été créée en 1987 en réaction à la montée du Front national, il est quelque peu angoissant de lire sous la plume de son fondateur que, «pendant que l'extrême droite s'occupait, et nous occupait, à reproduire une obscurité ancienne, le capital s'occupait à produire le contraire de l'obscurité que l'extrême droite reproduisait et que nous redoutions. Le contraire: la transparence.» Le retour du fascisme, explique donc Michel Surya, ne fut qu'un leurre du capitalisme destiné à nous distraire de ce qui se jouait réellement: le triomphe de la domination. Et la domination, «c'est le pouvoir sans la politique (É). Plus exactement encore: en tant qu'elle disparaît». Les organes du pouvoir seraient désormais «les milieux d'argent (les marchés financiers), les milieux d'information (la presse, les media), les milieux de propagande (la publicité, mais qu'on ne distingue plus qu'inutilement des milieux d'information) et les milieux juridiques (les juges, les magistrats, c'est-à-dire tous ceux dont dépend aujourd'hui la "juste" distribution de l'argent)».

Un élément déterminant de ce processus fut, selon l'auteur, la chute du mur