C'était un livre auquel elle ne pouvait pas échapper. Michèle Hechter porte les deux prénoms («le public et le privé»), l'un et l'autre féminisés et francisés, d'un oncle écrivain roumain, Mihail Sebastian, à l'état civil Jossif Hechter, aussi fameux dans son pays qu'ignoré en France. La lacune a été comblée il y a deux ans avec la publication de son premier roman, Depuis 2000 ans, puis avec celle de son bouleversant journal (1) écrit entre 1936 et 1945 qui raconte l'implacable «rhinocérisation» d'une intelligentsia roumaine toujours plus antisémite et tentée par le fascisme local des «Gardes de fer». «Les noms cachés connaissent aussi les métamorphoses du temps, et sans qu'on les invoque, ils vous soufflent un jour d'étranges pensées», explique Michèle Hechter, dès les premières pages d'un livre publié dans une collection où «un auteur évoque son héros secret». Pour elle, c'était naturellement cet oncle à l'ombre trop encombrante découvert lors de sa tardive traduction. Juif, Mihail Sebastian a voulu être roumain et s'assimiler, poussant la haine de soi jusqu'à accepter pour Depuis 2000 ans la préface outrageusement antisémite de son professeur Nae Ionescu, très douteux maître à penser de toute une génération, de Cioran à Mircea Eliade. Née en France, Michèle Hechter n'a pas été contrainte de pratiquer «cet effrayant héroïsme de ceux qui choisissent une autre langue» mais n'en reste pas moins écartelée. Elle est traductrice d'anglais comme si elle cherchait ainsi à fuir «ce
Interview
Un oncle incarné
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par Marc Semo
publié le 8 juin 2000 à 2h02
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