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Libération
Critique

Vila-Matas déplace l'espion.

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Histoires douteuses, amputations et espionnage appliqué à la littérature: deux nouvelles traductions du Barcelonais virtuose de l'ironie.
publié le 8 juin 2000 à 2h02

Le malheur d'avoir perdu un bras, on le retrouve sous les formes les plus diverses dans Loin de Veracruz. «J'ai commencé à haïr son nez aquilin et j'ai regretté d'être manchot et de ne pas pouvoir l'étrangler», dit le narrateur à qui un «bain de normalité» ne ferait pas de mal. Il n'avait que mépris pour la littérature quand c'était son frère Antonio qui s'y adonnait, écrivain voyageur qui trouvait plus imaginatif de décrire les pays où il n'avait pas mis les pieds et suicidé quand débute le roman. L'autre frère, Maximo, le mal nommé, pratiquait la peinture et aucun art ne trouvait grâce aux yeux du narrateur. Mais on change. Celui qui a le sentiment de s'être fait «baiser» peut avoir envie d'en arriver à une autre conclusion: «Je les baiserai tous.» Cela passe par des histoires douteuses, aux deux sens du mot, sur divers continents, mettant en scène meurtres et prétendue enquête policière.

«L'écrivain espion est quelqu'un qui lit dans la vie d'autrui, qui écrit avec, parce qu'avec sa propre vie ce n'est pas suffisant», dit Enrique Vila-Matas à Libération (parution du 11 février 1999) pour commenter Etrange façon de vivre qui vient d'être traduit en même temps que Loin de Veracruz. Salvador Dali et Graham Greene eux-mêmes ne sont pas à l'abri des capacités investigatrices du narrateur, forcé de s'y mettre dès son plus jeune âge. «Ma mère m'a révélé le plaisir infini de l'espionnage.» Et l'enfant devenu père d'un «funeste fils au regard nul» d'espionner toute sa rue, et de cra