«Un jour, il y a longtemps de cela, j'ai tenté de me suicider et j'ai voulu me pendre. J'ai loupé mon coup et je n'ai réussi, dans l'affaire, qu'à perdre presque tous les souvenirs. Je ne me rappelle donc plus de rien. Je garde, cependant, présent dans ma mémoire, le début des années cinquante, qui est lié à mon arrivée à Paris. C'est, à cette date, qu'ayant écrit à Lyon, tout en faisant du journalisme, une demi-douzaine de livres au tirage confidentiel, que j'ai débarqué dans la capitale.
Mon premier souvenir des années cinquante réside dans un petit pavillon de banlieue, sympa mais délabré, où je me trouvais sans un sou en poche. Mon deuxième souvenir fut qu'à l'époque, je n'avais pas de quoi manger et que je suis ainsi entré en cette décennie, l'estomac dans les talons, installé à la périphérie de Paris. J'avais une Dina Panhard noire achetée d'occase, et, chaque fois que je m'en servais, elle tombait en panne. Dans toutes les randonnées que j'entreprenais, je finissais systématiquement par me retrouver en couilles dans un bled paumé que je ne connaissais pas. Comme je n'avais jamais de quoi payer la réparation du garagiste, il me fallait dare-dare téléphoner à ma mère qui m'expédiait, pendant que je poireautais sur un banc de la poste, un mandat télégraphique.
Comme ma Dina Panhard était constamment hors service, je prenais le train pour me rendre à Paris. Je débarquais à la gare Saint-Lazare et j'allais au cinéma. Souvent. Et seul, ce qui n'est pas marrant. Dans une salle