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Libération
Critique

A la recherche du tempo perdu

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Un premier roman proustien où Balbec c'est Marseille et la sonate de Vinteuil un rap.
publié le 15 juin 2000 à 2h13

«Je viens d'A la recherche du temps perdu. Je l'ai lu, relu, habité. Je suis de ce livre comme on est d'une ville, d'un pays.» Dès la première page, on est

prévenu. Le narrateur, Paul Barbera, un universitaire de 26 ans, n'aura de cesse d'émailler son récit de références proustiennes. Sauf que là, Balbec c'est Marseille et les jeunes filles en fleurs sont une bande d'ados, amateurs de rap, artistes tagueurs et fumeurs de shit. Et notre «Marcel», alias Paul, de dérouler au fil des pages son angoisse d'un désir obscur. Pourtant, la Mouette aux yeux bleus ne se réduit pas à l'histoire d'un homme qui se découvre de «l'amour pour les garçons». Il sort avec une fille, certes: Laura, une étudiante en philo, qui est descendue le rejoindre à Marseille, où il est allé surveiller une entreprise familiale. Mais le problème est ailleurs: à chercher plutôt du côté de cet «"éternel malentendu" selon lequel l'intellectuel doit être attiré, chez les autres, par l'intelligence ou l'insolite». Car ce qu'éprouve au fond le narrateur est peut-être simplement cette loi du désir qui voudrait que l'on fût attiré par celui qui n'est pas soi. L'autre, l'«Antonyme» comme il l'appelle: «quelqu'un qui serait tout le contraire de moi». Et il avoue: «Mon Antonyme, je crois que je l'ai rencontré, un jour, en bas de la traverse Saint-Antoine. Ce n'était pas un être humain, c'était un monstre à cinq ou six têtes, une petite bande d'adolescents dont chacun gardera toujours "un peu du charme collectif qui m'ava