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Libération

Chili chinois

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publié le 22 juin 2000 à 1h43

Sur la liste des best-sellers romanesques, celui d'Isabel Allende est le plus sympathique. Cela vient de ce qu'on ne s'ennuie pas à le lire. Cela tient à des élans de compassion, ou de tendresse, ou les deux, qui jouent les traits d'union entre les différentes cultures convoquées.

Un Anglais rejeté par la bonne société de Valparaiso, et un jeune intellectuel chilien sans le sou. Une patronne de bordel ambulant, Hollandaise de Pennsylvanie, et un petit Indien taciturne dont elle veut faire un vrai chef. Des quakers originaires de l'Ohio, et des fillettes asiatiques prostituées en Californie, qui trouvent à se sauver grâce à eux: toutes sortes d'attelages, momentanés ou durables. Le tandem le plus prometteur étant constitué d'une Chilienne, l'héroïne, et d'un médecin chinois dont l'auteur, habile, évite de dire d'emblée s'il est un héros, un héros épousable.

Fille du destin est un roman d'amour antiraciste, voire un roman antiraciste qui parle d'amour. J'ai cité quelques personnages, mais de vastes ensembles de population s'affrontent. Les Anglais, vainqueurs de la guerre de l'Opium contre les Chinois en 1839, méprisent les autochtones, lesquels n'ont jamais douté qu'ils sont géographiquement au centre du monde. Primordiale en tant que décor, la ruée vers l'or (début des années 1850) met face à face les Yankees, les gringos, et ceux qui ne sont pas tout à fait blancs à leurs yeux. L'esclavage est aboli, mais la main-d'oeuvre, surtout émigrée, est traitée comme du bétail. Fille d