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Critique

Hard Roche

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Vertige de typographe, dérapages et pétarades, scatologie considérée comme un des beaux-arts: l'enfer, c'est autre truie, disait Maurice Roche (1924-1997).
publié le 22 juin 2000 à 1h43

"Le poids des imbéciles fera chavirer le monde... Moi sismographe -ni plus ni moins- d'une civilisation qui fait un retour sur sa mémoire - par tous les moyens techniques et autres - avant que de la perdre à jamais. Il vaut toujours mieux relire un texte plein de vérité, même déjà ancien et d'un auteur mort, que de chanter une littérature enterrée vivante, "à qui on a placé dans le gosier un magnétophone miniature à cassettes qu'elle a failli avaler" - mais qui a le mauvais goût de ne s'être pas étouffée.

Mémoire parut donc initialement en 1976. Pour qui n'a jamais vu de livre de Maurice Roche (1924-1997), disons que cela se présentait comme un cauchemar de typographe, alternant diverses polices et tailles de caractères, jouant du gras, du souligné, du barré ou de l'italique, incluant des dessins, des fragments de partitions et pas mal d'espaces, bref un opéra visuel qui décourage toute velléité de citation exacte. Son premier texte, Compact, qui fit en 1966 l'effet d'une bombe, était de plus polychrome. A cette naïve époque, son compère Sollers prévenait les innocents dans sa préface: "ce livre est tout sauf un objet, un organisme représentatif, réaliste, qui s'appuierait sur une fantaisie typographique dont la référence serait à rechercher en dehors de lui. Il s'agissait de "faire corps avec la calligraphie". Sous-titré "roman", Mémoire se donne cependant à lire comme une anamnèse, partant du "caca" pour aller vers une agonie rigolarde. La formidable ardeur exégétique de Mi