Menu
Libération
Critique

La reconquête de l'Est

Article réservé aux abonnés
Accusée après la chute du Mur de n'avoir pas suffisamment pris ses distances avec la Stasi, Christa Wolf renvoie avec élégance ses accusateurs à leur bonne ""conscience fausse"".
publié le 22 juin 2000 à 1h43

Il y a vingt ans, Christa Wolf publia un court et beau récit au titre désespéré, Aucun lieu. Nulle part. Elle y relatait une rencontre rêvée entre Caroline von Günderrode et Heinrich von Kleist, deux écrivains romantiques qui se suicidèrent parce que la terre n'offrait ni abri ni repos. Ici même, autre part est une autre histoire d'écrivains et de place à trouver: quel lieu, nous, écrivains d'ex-RDA en général et moi, Christa Wolf, en particulier, avons-nous habité? Avons-nous trop collaboré avec le pouvoir communiste? Pouvions-nous faire autrement? Et maintenant que l'Allemagne est une à nouveau (les textes réunis ici furent écrits entre 1994 et 1998), saurons-nous avec nos confrères d'ex-RFA trouver un terrain d'entente et construire une société vivable? Anniversaire de Günter Grass, de Heinrich Böll, mort de Heiner Müller, inauguration d'un collège baptisé Franz Fühman, chaque occasion est bonne pour écrire un texte et dresser des micro-bilans.

Certains, qui en général vécurent à l'Ouest, reprochèrent à Christa Wolf (née en 1929) de n'avoir pas pris assez ses distances avec la Stasi. Plusieurs textes sont d'évidentes et sobres réponses à ses détracteurs: "et c'est à ce moment-là que Wolfgang Heise dit que nous devrions bien comprendre que cet Etat [la RDA] était comme chaque Etat: un instrument de domination, et que son idéologie était comme toute idéologie: une conscience fausse. Nous nous sommes arrêtés. Je sais que j'ai demandé: que devons-nous faire? et que nous sommes