Menu
Libération
Critique

Un festin de rois

Article réservé aux abonnés
Publication en un seul volume des deux oeuvres clés de l'historien polonais Ernst Kantorowicz (1895-1963), ""les Deux Corps du roi"" et la biographie inspirée de Frédéric II, précurseur des princes de la Renaissance.
publié le 22 juin 2000 à 1h43

Parfois c'est un petit bouquet de fleurs blanches ou une simple rose. D'autres visiteurs déposent un billet avec quelques mots. Le massif sarcophage de porphyre rouge qui trône dans une chapelle latérale de la grande nef de la cathédrale de Palerme suscite encore des hommages. Mort il y a sept cent cinquante ans, Frédéric II de Souabe reste presque inconnu des Français mais il continue à fasciner Allemands et les Italiens. Au début du XIIIe siècle, alors que les rois d'une France fille aînée de l'Eglise géraient leur pré carré, l'empereur des Hohenstauffen, trois fois excommunié par le pape et dénoncé comme Antéchrist, régnait de l'Italie jusqu'aux extrêmes marches orientales de l'Allemagne, sans compter le Levant. Inventeur de l'Etat moderne contre l'Eglise, ce souverain était devenu aussi roi de Jérusalem se couronnant lui-même dans la Ville sainte reconquise sans guerre grâce à une négociation directe et en arabe avec le sultan. Frédéric II parlait neuf langues et en écrivait sept. Dante s'inspira de son rêve "d'Empire universel". Plus tard ce fut le tour de Machiavel puis de tant d'autres à être impressionnés par cette figure hors du commun, par cet anachronisme vivant, qui en plein Moyen âge annonçait avec deux ou trois siècles d'avance les princes de la Renaissance. "Homme d'Etat et philosophe, homme politique et soldat, général et juriste, poète et diplomate, architecte, zoologue, mathématicien, il collectionnait des oeuvres d'art antiques, dirigeait des sculpteurs, s