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Libération
Critique

.. Au royaume de Danemark

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Quand la musique et la sensualité débridée tournent au conte de fées cruel à la cour du roi Christian IV.
publié le 29 juin 2000 à 1h56

La liberté assez vertigineuse avec laquelle Rose Tremain conçoit le roman historique n'est pas sans rappeler la divertissante excentricité romanesque de la Vita Sackville-West d'Au temps du Roi Edouard. Toutes deux semblent avoir recours à une notion propre aux romanciers du XVIIIe siècle anglais, qui consiste à associer à la trame historique pure un subtil mélange d'humour sarcastique et de libertinage qui donne au récit toute sa saveur et sa consistance. Dans le Don du roi, jusqu'ici sa plus belle réussite, Rose Tremain avait amorcé cette personnalisation du sujet, échappant ainsi aux rigueurs d'un genre souvent incapable de trouver un équilibre entre l'aridité et la guimauve. L'aventure échevelée de l'étudiant en médecine Merivel donnait libre cours à l'imagination redoutable de cet auteur qui, tel l'Orlando de Virginia Woolf, passe dans sa fiction de la masculinité à la féminité de la façon la plus surprenante. Musique et silence a pour décor la cour du roi Christian IV du Danemark, au XVIIe, un cadre a priori austère mais que le lecteur voit aussitôt s'animer à la façon d'une dramaturgie brughelienne. Grand bâtisseur, Christian a fait venir près de lui un jeune joueur de luth, le séduisant Peter Claire, natif de l'East Anglia, qui, pour ce faire, abandonne derrière lui ses parents bien-aimés et une comtesse irlandaise énamourée, épouse de son précédent employeur. En parallèle au récit des faits et gestes de Christian, personnage excentrique et attachant, nous découvrons