Menu
Libération

Fées et gestes

Article réservé aux abonnés
par
publié le 29 juin 2000 à 1h56

Il y a un truc presque aussi efficace qu'un petit garçon dans un film. C'est un petit garçon dans un roman. Première phrase du Didier van Cauwelaert: "Je suis tombé amoureux de deux personnes en même temps, un vendredi matin, dans un bus d'Air France."

Pas de blague, le narrateur n'est pas pédophile. Il sent juste sa solitude pulvérisée par l'apparition du petit Raoul Aymon d'Arboud, 4 ans, des lunettes, et sa maman, Ingrid, une veuve ornithologue. Coup de foudre à la vitesse de l'éclair. Une famille toute prête, emballée, à emporter dans la propriété où veille une cuisinière, traditionnel dragon des destinées sentimentalo-bourgeoises.

Quelque trente pages plus loin, quatre années et sept mois ont passé. L'enfant n'a pas donné "la permission de l'adopter", ces gosses sont précoces, on leur demande beaucoup. Celui-ci s'approprie en attendant le paternel narrateur, Nicolas Rockel. Le vrai père a été abattu en Bosnie à bord de son Mirage. Raoul l'a très peu connu, mais il l'appelle opportunément dans son sommeil.

Nicolas Rockel est le genre d'adulte à savoir tomber, atteint en plein coeur, quand un enfant lui tire dessus avec une mitraillette en plastique, et en plus, il l'a inventée, il est créateur de jouets. Il n'est pas muet comme une tombe, il sait comment parler cimetières. Avec Raoul, ils sèment un potager autour du caveau où a été gravé le nom du pilote: "Sa mémoire fait pousser des fines herbes, et Raoul en assaisonne tout ce qu'il mange. (...) "Vous voulez un peu de mon