Tout a commencé avec Diderot. L'historien d'art américain Michael Fried, directeur du Humanities Center à l'université Johns Hopkins, a entamé avec le philosophe des Lumières une recherche portant sur la Place du spectateur (titre de son ouvrage paru chez Gallimard il y a dix ans) qui s'achève en principe aujourd'hui avec le Modernisme de Manet après une étape chez le Réalisme de Courbet (1993). En principe, parce qu'il vient quand même de rédiger un article, assez long, consacré à Gustave Caillebotte dans lequel resurgit la question de l'absorbement (traduction française d'absorption comme expliqué dans l'entretien suivant) qui l'a tant occupé dans cette trilogie sur l'esthétique et les origines de la peinture moderne. Caillebotte fournit une réponse à Manet mais constitue aussi une référence à l'impressionnisme. Il s'inscrit donc dans un entre-deux déjà repéré comme la position particulière de Manet. Par là, l'un et l'autre rejoignent et dépassent la question de l'antithéâtralité qui formait le centre névralgique de la critique diderotienne.
De Chardin à Manet, la dénonciation de la théâtralité en peinture se décline à travers des figures récurrentes depuis la dédramatisation davidienne jusqu'à la volonté d'introduire le spectateur dans le tableau, tentative conduite énergiquement par Courbet. La singularité de Fried tient d'abord à la distinction qu'il fait entre, d'une part, la corporéité des Casseurs de pierre ou des Cribleuses de blé chez Courbet, et, de l'autre, la sol