Si l'on mettait bout à bout les époques dans lesquelles se déroulent Sang du ciel, le Fils de Bakounine et Un silence de fer, on embrasserait le dernier siècle d'histoire de Sardaigne, le roman de Sergio Atzeni occupant le milieu et les deux de Marcello Fois l'ouvrant et le fermant. Mais la parenté entre ces deux écrivains sardes s'arrêterait là, parce que ils n'aiment pas leur île du même amour et parce que leur écriture est tendue vers deux visées opposées: Atzeni plie ses histoires vers la légende voire le mythe, vers une Sardaigne universelle sinon éternelle, où la souffrance quotidienne d'une pauvre mais altière humanité trouve son confort dans le rêve militant d'une dignité à portée des luttes; Fois montre à l'inverse combien est problématique cette existence transhistorique des Sardes, au moins depuis l'arrivée de l'alphabet dans les cales des navires phéniciens et romains, et s'attache à décrire plutôt un peuple férocement accroché (pour la contrarier ou pour l'accueillir) à la modernité du moment.
Mineur, chanteur, syndicaliste, meneur de grèves au béret basque, bel homme vaniteux à l'élégance criarde, coureur de jupons, bouffeur de curé et protecteur des humbles, communiste rêveur, rageur puis sans espoir, Tullio Saba est le Fils de Bakounine. A son père, dans le village misérable de la Sardaigne minière des années 30, ce surnom est venu parce que - ayant toujours ce Bakounine à la bouche -, il s'était laissé aller, une fois qu'il avait bu quelques verres de trop, à