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Libération
Critique

Vendre la peau de l'URSS

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La nouvelle thèse selon laquelle Hitler, en envahissant l'Union soviétique, anticipait une offensive de Staline, est sans fondement et ne sert qu'à minorer les crimes du nazisme, selon l'historien israélien Gabriel Gorodestky.
publié le 29 juin 2000 à 1h56

Jusqu'à l'orée des années 1980, les historiens vivaient sur de confortables certitudes: l'invasion de l'Union soviétique, le 22 juin 1941, résultait d'une décision prise par Adolf Hitler, le dictateur visant tant à contrôler de vastes territoires à l'Est qu'à défaire son ennemi bolchevique. L'ouverture des archives soviétiques sembla pourtant bousculer ces prédicats rassurants. En lançant ses armées à l'assaut de la steppe russe, Hitler ne cherchait-il pas à devancer un Staline prêt à entrer en guerre contre l'Allemagne? L'opération Barbarossa ne s'apparentait-elle pas, dès lors, à un acte de légitime défense visant à protéger le Reich de la rapacité stalinienne? Quelques historiens russes (Souvorov) ou allemands (Nolte) ratifièrent cette nouvelle version avec gourmandise. En diabolisant l'Union soviétique, cette théorie présentait en effet l'insigne avantage de minorer les crimes du nazisme, l'Allemagne se métamorphosant en victime potentielle du totalitarisme rouge. Curieuse inversion qui, de toute évidence, invitait à remettre les pendules à l'heure. Grâce à Gabriel Gorodestky, voilà chose faite!

L'historien israélien rappelle tout d'abord quelques évidences. A commencer par la plus saillante: en 1941, l'Union soviétique n'a ni les moyens, ni le désir de déclencher une guerre - même limitée - contre l'Allemagne nazie. Décimée par les grandes purges, l'armée Rouge n'a en aucun cas la capacité de défier la Wehrmacht. Conscient de cette faiblesse, Staline refuse de s'engager