Menu
Libération
Interview

L'essence de l'Arabie

Article réservé aux abonnés
Entretien avec Ahmed Abodehman, chantre d'une Arabie Saoudite tolérante et plurielle, à mille lieux des pétrodollars.
publié le 6 juillet 2000 à 2h50

Ahmed Abodehman a une cinquantaine d'années mais il n'en est pas sûr car l'état civil n'était pas encore vraiment au point lorsqu'il est né en Arabie Saoudite. Il est journaliste, correspondant à Paris d'Al-Ryad, quotidien saoudien auquel il envoie une chronique hebdomadaire. Mais il préfère se définir comme poète. Il vit en France depuis 1982 et ses maîtres sont Mohamed Arkoun, Fernand Braudel, etc. Son premier livre est en train de devenir un vrai petit phénomène d'édition avec 8 000 exemplaires vendus en trois mois. Il y raconte, dans une prose très poétique, son enfance dans son village natal de l'Assir, une région montagneuse du sud de l'Arabie Saoudite. Le village s'appelle Al-Khalaf, sa tribu les Qahtan.

L'Arabie de votre enfance, celle que vous décrivez, est un pays très éloigné de l'image qu'on en a habituellement. Vous décrivez un monde de montagnards, frugal et poétique.

L'Arabie donne souvent l'image d'un pays fermé. Or, c'est un pays à la culture très riche, il suffit d'oser le montrer. C'est le cas de toutes les cultures d'ailleurs. L'Arabie a un trésor humain et poétique, bien plus important que ses pétrodollars. Les bédouins sont comme le désert, ils ne peuvent rien cacher. C'est contre leur nature. Je parie sur la nouvelle génération: les médecins, les ingénieurs, les professeurs. L'Arabie que je connais est tolérante, plurielle. Elle pourrait être un monde rêvé.

Vous avez écrit ce livre en français. Le fait de changer de langue vous a-t-il ouvert d'autres perspectives?

Je viens d'un monde où la poésie orale est la base de la culture. Ce n'est qu'à l'université de Ryad que j'ai commencé à écrire réellement: j'étudiais à l'époque l'arabe classique qui était pour moi presque aussi difficile qu'une langue étrangère. Plus tard, en arrivant e