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Libération
Critique

Bove, le désespoir fait vivre

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De la médiocrité vécue comme une fatalité.
publié le 13 juillet 2000 à 3h03

"Cependant il était en proie à une grande tristesse. Il songeait alors à son enfance et il lui apparaissait qu'il avait manqué sa vie." Le Beau-Fils date de 1934 et Jean-Noël, dont Annie est la belle-mère, a les caractéristiques habituelles des personnages d'Emmanuel Bove. "Le monde est étrange, n'est-ce pas? dit-elle. Chaque jour on apprend une vilenie." Ce roman serait, selon l'éditeur, "le plus autobiographique" de l'auteur de Mes amis, né en 1898 et mort en 1945. Ce sont particulièrement sa mère et son frère qui ont l'air de ressembler à la famille réelle d'Emmanuel Bove, si on en juge par leur volonté de soutirer le moindre sou à Jean-Noël à qui sa belle-mère ouvre quelques perspectives, certes pas grandioses mais ils ne le savent pas, sur une vie sociale un peu plus aguicheuse. Annie a beaucoup de respect pour les artistes, la peinture est son univers, et sa propre famille n'est pas loin de la prendre comme une déclassée définitive. Personne ne décrypte convenablement la conduite des autres.

Les héros de Bove sont toujours assaillis de telles faiblesses que même leurs rares bons sentiments, leur bonne volonté finissent par jouer contre eux. La vie, le temps les grignote. Cet aspect miteux finit par avoir quelque chose de "touchant", selon le mot de Samuel Beckett, et même aussi d'assez plaisant tant les êtres et les situations déploient d'imagination pour que tout puisse perpétuellement s'aggraver. L'inventivité d'Emmanuel Bove gît dans les détails. Nul doute que, comme