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Libération

Le charnier des utopies

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Trente ans après avoir été prisonnier des Khmers rouges, l'ethnologue François Bizot exorcise son cauchemar dans «le Portail». Entretien.
publié le 24 août 2000 à 3h40

Hormis quelques témoignages ou enquêtes de journalistes, le règne tragique des Khmers rouges n'a pas fourni en France une bibliothèque abondante. Le récit de François Bizot sur son expérience cambodgienne n'en prend que plus de poids et devrait figurer en bonne place au rayon des récits de guerre. Fruit empoisonné d'une lente gestation, premier récit autobiographique d'un ethnologue habitué à la prose aride d'articles et d'ouvrages érudits, le Portail ressuscite en effet de manière saisissante un cauchemar enfoui depuis trente ans dans la vie d'un homme: sa capture en 1971 par les Khmers rouges, sa détention pendant trois mois dans un camp dirigé par celui-là même qui allait devenir le chef des tortionnaires du régime de Pol Pot, et sa dramatique expulsion du Cambodge en 1975 en même temps que des centaines d'Occidentaux contraints au départ par l'arrivée des Khmers rouges au pouvoir. Construit en deux parties, ce voyage au bout de l'enfer se termine par le retour de l'auteur au Cambodge en 2000, sur les lieux de son enfermement, au moment où son ancien geôlier vient d'être emprisonné pour crimes contre l'humanité (il va être prochainement jugé par un tribunal international à Phnom Penh, et François Bizot a accepté d'être cité comme témoin par la défense).

François Bizot a 25 ans lorsqu'il arrive pour la première fois au Cambodge, en 1965: après une première formation de géomètre à Nancy et une seconde d'ethnologue à l'Ecole pratique des hautes études à Paris, il a été engagé