La haine de soi est une politesse de misanthrope. Pierre Drachline l'avance comme «seule excuse recevable», en conclusion d'une description meurtrière: «Son coeur est un désert pétrifié. Il n'y pousse que du ressentiment. De la hargne. Sa froideur a fini par le figer dans une posture ridicule. Celle de la doublure qui n'interprète aucun rôle et demeure dans les coulisses de la vie.» Il se hait donc. «Il» n'a pas de nom. Il est «l'enfant» pour toujours.
Quand il est enfant, l'enfant collectionne les assassins. Lacenaire, des Enfants du paradis, est son préféré, qui dit: «Très jeune, on m'a laissé seul avec moi-même. Quelle mauvaise fréquentation!» L'obsession de la charogne, parfois son odeur, imprègnent Une enfance à perpétuité, ça vous transforme en viande les corps les plus vifs. Adulte, l'enfant continue de fréquenter les cimetières, d'enterrer ses velléités. Il se suicide à la vodka, à petit feu, de moins en moins réchauffé.
Le livre commence par la mort du père de l'enfant, c'est à partir de là que celui-ci raconte son propre demi-siècle jusqu'à retrouver, trop tard, une trace furtive de leur solidarité. Le père et le fils: «deux emmurés». Des dates? «Deux ans avant que les bals du 14 Juillet ne fussent suspendus en raison de la guerre d'Algérie, l'enfant s'était installé sur le capot d'une voiture à quelques mètres d'un bistrot transformé en guinguette.» Paris est son élément. Il aime les rues comme il arpente les livres. Il se construit un stock d'images. Devenu librair