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Libération
Interview

Ondaatje, autopsie d'une guerre

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Avec une extrême précision l'auteur sri-lankais du «Patient anglais» décrit, avec une médecin légiste pour héroïne, les attentats et la torture. Entretien.
publié le 7 septembre 2000 à 4h06

Les films américains, les livres anglais, souviens-toi comment tous finissent [...] L'Américain ou l'Anglais monte dans un avion et s'en va [...] Et la caméra s'en va avec lui. Par le hublot, il regarde Mombasa, le Viêt-nam ou Djakarta, un endroit qu'il peut désormais voir à travers les nuages [...] Pour ce qui le concerne, la guerre est finie. Cette réalité-là suffit à l'Occident. Voilà qui résume sans doute toute l'histoire des écrits politiques occidentaux de ces deux cents dernières années.»

Comment écrire sur un pays en guerre, surtout quand c'est le pays où on est né? Le Fantôme d'Anil est un roman, ce n'est donc pas à proprement parler un livre politique. Mais Michael Ondaatje écrit pour la première fois une fiction qui se déroule dans son pays natal, le Sri Lanka, et cette question est là dès la première ligne. Dans Un air de famille (une chronique de la vie de ses parents publiée entre la Peau d'un lion et le Patient anglais), il n'y avait aucun écho de la guerre civile sri-lankaise. Aujourd'hui, la guerre est partout, même dans Ecrits à la main, le recueil de poèmes qui paraît en même temps.

Le fantôme d'Anil raconte l'histoire d'une jeune femme, médecin légiste, qui a quitté le Sri Lanka à 18 ans et y retourne quinze ans plus tard, envoyée par l'ONU pour enquêter sur les «exécutions extrajudiciaires». C'est un livre sur le retour au pays abandonné, sur la culpabilité particulière à le retrouver déchiré alors qu'on sait qu'on peut repartir, et qu'on repartira. C'est