Si l'on écrit: «c'est un texte bouleversant», vous allez imaginer le pire, les enfants abandonnés, les loups grands et méchants, la larme à l'oeil rougi, les mouchoirs tirés, toute sorte de misères de l'autre monde. Alors que ce n'est pas ça du tout, Le jour où je n'étais pas là, c'est froid. Couleur de malheur bleu, de cyanose ordinaire. Il y a certes un enfant presque abandonné: à l'âge de 22 ans, Hélène Cixous a eu un fils mongolien. Elle le confie à sa mère, sage-femme à la clinique familiale, fondée par le père mort. Le fils s'appelle Georges, comme le père. Un jour où la mère n'est pas là, ni sa mère à lui ni la mère de l'auteur, l'enfant meurt, la maternité est héréditaire, l'histoire gigogne. Il meurt peu de temps avant que naisse son frère «le vivant». On est loin de l'apitoiement, certaines phrases sont cruelles: «Ai-je des photos de lui? N'importe quelle photo de mongolien ce sera aussi bien.»
Depuis quelques années, quelque chose se passe autour d'Hélène Cixous, de ses récits, de son théâtre (Tambours sur la digue, mis en scène par Ariane Mnouchkine, a obtenu cette année trois Molières), elle sort de l'anonymat des écrivains difficiles, c'est comme si le grand public la découvrait, après tant de livres. De fait, son écriture devient depuis Or, le livre du père, plus lumineuse non pas meilleure, elle l'est déjà depuis toujours mais plus légère et sereine, elle s'ouvre aux lecteurs de tous horizons. Après les livres du père, de la (grand-) mère et du frère, Le j