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Libération
Critique

Debout les morgues

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Comment la médecine légale, au XIXe siècle, conquit, plus vite que la psychiatrie, sa place d'auxiliaire de justice.
publié le 14 septembre 2000 à 4h20

La justice, on le sait, n'est pas une science exacte, et son histoire est jalonnée de déplacements où se lit l'évolution des normes ou des tolérances sociales, mais aussi celle des savoirs ou des pratiques professionnels. Dans ce lent cheminement, le XIXe siècle marque une étape décisive. «L'axe du procès s'y déplace; le fait l'emporte sur le droit, l'expert sur le juge», note Frédéric Chauvaud en conclusion de la première étude historique consacrée à ces nouveaux acteurs de la «société judiciaire» que sont alors les médecins, chimistes, aliénistes et autres Experts du crime.

De 1791, date à laquelle le législateur préconise, en cas de mort violente, l'examen du cadavre par un médecin, à la veille de la Grande Guerre où le recours à l'expertise s'impose dans chaque procès pénal, plus d'un siècle s'est écoulé, dont l'auteur livre ici la chronique tumultueuse. Car cette percée ne fut ni continue, ni générale. Jusque vers 1850 environ, les résistances demeurent fortes dans les prétoires, où l'on ne prend guère au sérieux ces auxiliaires de justice souvent fort imbus de leur art. Deux domaines, toutefois, vont s'individualiser. Fortes d'un savoir mieux assuré et surtout mieux partagé, les sciences expérimentales parviennent assez rapidement à faire entendre leurs conclusions. L'anatomiste qui déchiffre sur les corps mutilés les traces de la violence et du meurtre, ou plus encore le chimiste qui, à la manière d'Orfila, célèbre auteur du Traité des poisons en 1815, classe les subst