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Libération

L'hommage dans le tapis

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publié le 14 septembre 2000 à 4h20

Quel rapport entre la littérature et un livre sur la littérature? C'est un sujet qui passionna Henry James. Quand il écrit Hawthorne, il parle

évidemment de l'oeuvre de l'auteur de la Lettre écarlate mais aussi de l'impossibilité à en rendre vraiment compte. Il parle également, sans doute sans le savoir, de sa future oeuvre propre, et de la littérature en général, et de la critique ­ et du public. Le livre paraît en 1879. Nathaniel Hawthorne est mort depuis quinze ans et sa réputation est immense. James a 36 ans. Il vient de publier les Européens et Daisy Miller mais le gros de son oeuvre est à venir. Il veut présenter aux Anglais celui qui est considéré comme l'écrivain américain. James ne sait pas encore qu'il mourra en 1916 après avoir été naturalisé anglais quand il reproche à l'oeuvre de Hawthorne d'être celle «d'un "outsider", d'un étranger, d'un homme qui, jusqu'au bout, demeure un simple spectateur ­ c'est-à-dire même pas un observateur».

La réception de Hawthorne aux Etats-Unis sera cependant tellement mauvaise (on s'indigne de l'image qu'il donne de son pays) que James, la commentant, écrit en 1880 (dans une lettre citée par Leon Edel dans sa biographie traduite au Seuil): «Comment écrire pour un tel public! ­ quelle inspiration que de s'adresser à eux! Espérons, cependant, qu'il ne s'agit pas là du vrai public américain. Si je le croyais sérieusement, je renoncerais à ce pays.» James peut tenter, selon l'expression de Sophie Geoffroy-Menoux dans sa préface, de «tuer