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Critique

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Une biographie du philosophe travaillée à l'huile de coude avec des phrases trop bien astiquées.
publié le 14 septembre 2000 à 4h20

Ala fin du dix-neuvième siècle, en France, on fait dans le style néo-roman. Ce n'est pas du style roman, c'est du simili-roman : une reconstitution historique soigneuse et ampoulée, kitsch dirait-on aujourd'hui, des formes d'un monde perdu. La pierre, soudain, a l'air de carton-pâte. Antoine Audouard, en écrivant Adieu, mon unique, a fait de même. Il a plongé avec enthousiasme dans la vie d'Héloïse et Abélard pour restituer leur amour, leur contexte, leurs préoccupations. Donc, il y a tout: décor, personnages, dialogues soigneusement vernis et inspirés des lettres, castration d'Abélard narrée en lumière indirecte, écriture soigneusement emphatique et documentation précisée à la fin. Mais il manque l'essentiel: les voix, le ton, cette vibration inspirée du langage qui, seule, ressuscite les morts (lire les pages de Michelet sur Abélard). Le livre, sérieux, à l'huile de coude, est comme un meuble dit d'époque: «de style», mais sans style. L'ancien numéro 2 de chez Fixot a en fait repris les recettes du patron: de la «belle écriture», de celle qu'on regarde flamber dans une cheminée à l'ancienne, avec phrase bien astiquée et techniques de narration audiovisuelles. L'histoire est racontée par un disciple d'Abélard, Guillaume d'Oxford, invention qui rappelle vaguement (mais sans doute allons-nous trop au cinéma) le page intellectuel de Sean Connery dans le Nom de la rose. Amoureux d'Héloïse, il tient la chandelle de leur ménage à trois. Antoine Audouard a voulu créer un monde qui