Le passage de la pensée médiévale à l'humanisme de la Renaissance est certainement une énigme. Certains facteurs sont certes repérables: la crise de l'universalisme politique de l'église, le déclin du caractère «ecclésiastique» de la culture, la rupture interne de la scolastique, une plus nette autonomie de la recherche philosophique par rapport aux présupposés de la foi, et aussi l'éviction de l'apport arabe du patrimoine européen. Mais, dans ce cadre, il faut parler de lente transition, au cours de laquelle les éléments de pensée anciens et nouveaux s'entremêlent, coexistent, se combattent. Ainsi, un siècle avant que Dante ne le fasse dans la Vita Nuova, Abélard, pourtant héraut de la scolastique, dévoile-t-il dans les Lettres à Héloïse les mystères et les troubles de la vie intérieure, avec une sincérité inégalée par les hommes de la Renaissance, et selon des modalités qui ne permettent pas de dire que la Renaissance a été la première à découvrir «l'homme en son entier». De même François Pétrarque, dans les années 1367-1368, donc en plein Moyen Age, affirme-t-il la nécessité de couper toute attache à la tradition aristotélicienne médiévale, et esquisse des idéaux humanistes qui sont déjà ceux de la Renaissance.
De Pétrarque, on publie aujourd'hui Mon ignorance et celle des autres, qui n'était pas édité depuis 1929, ainsi que Le Repos religieux, traduit pour la première fois, qui complète la Vie solitaire et dans lequel est exaltée la paix qui peut être atteinte dans la vie