Christine Angot décrit quelque chose de très spécial, dans son nouveau livre. Un truc effondrant, dont les écrivains souffrent peut-être plus ou moins, mais quand même, personne ne doit parvenir à se blinder suffisamment pour y échapper. C'est la barbarie des lecteurs. Mis en présence d'un auteur, ils l'assimilent à son texte, ils le traitent en objet à manipuler sans précaution. Etonnant à quel point ils ne pensent qu'à eux.
Christine Angot a tort, nous ne pouvons en conscience la suivre sur ce point, de traiter de «grosse conne» la malheureuse qui achète deux de ses livres en collection de poche, revient un autre jour lui dire qu'elle en a lu un, «c'est pas mal». «Mais faudra changer de sujet». Non sans lui avoir recommandé un roman américain «très bien construit». Elle a tort de pleurer parce qu'une autre cliente de la librairie où elle a ses habitudes la traite implicitement d'exhibitionniste. Mais on voit bien que si elle a des armes, Christine Angot n'a pas d'armure.
Avant de les rencontrer et de pouvoir s’en plaindre, il faut bien sûr des lecteurs. Avec l’Inceste, événement de la rentrée dernière, Christine Angot en a en veux-tu en voilà. Quitter la ville, récit de la sortie de l’Inceste, commence ainsi: «Je suis cinquième sur la liste de L’Express, aujourd’hui 16 septembre. Et cinquième aussi sur la liste de Paris-Match dans les librairies du seizième. Je suis la meilleure vente de tout le groupe Hachette, devant Picouly et devant Bianciotti.» Pour