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Libération
Critique

Frantz Fanon, le sel de la terre

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publié le 21 septembre 2000 à 4h35

Révolutionnaire, il a chagriné des générations de tiers-mondistes européens (qu'il ne portait pas vraiment dans son coeur), parce que la révolution dans les pays développés était le dernier de ses soucis; piètre tacticien, il ne jurait que par la politique, et c'est peut-être dans son activité de psychiatre qu'il a été le plus novateur en introduisant la psychanalyse (en laquelle il ne croyait guère) dans le traitement de la maladie mentale; Martiniquais, il s'est engagé à 18 ans et a combattu avec les Forces françaises libres en Alsace, mais, membre du FLN, il est mort algérien en 1961, à 36 ans, dans un hôpital du gouvernement des Etats-Unis et repose en Algérie où il est pratiquement inconnu. Emporté, désespéré, joueur, Frantz Fanon n'était pas à une contradiction près, objet ou d'amour ou de haine et comme prédestiné aux jugements manichéens. C'est du piège de ce type d'automatismes que s'échappe, avec bonheur, le Frantz Fanon d'Alice Cherki. Juive, née à Alger, psychiatre et psychanalyste, Alice Cherki a participé à la lutte pour l'indépendance de l'Algérie et côtoyé Fanon de 1955 à 1961, politiquement et professionnellement.

Frantz Fanon naît dans une famille de la petite bourgeoisie à Fort-de-France en 1925. Son père est inspecteur des douanes, sa mère gère un commerce minuscule de tout et de rien. Troisième garçon et cinquième enfant parmi huit, il se plaindra toujours d'une certaine raideur maternelle à son encontre, car il est sensible, ombrageux et rebelle. Il va à