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Libération
Critique

Kourouma, fracas d'Afrique

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Les «salades» d'un enfant-soldat qui traverse l'enfer du Liberia et de la Sierra Leone. Par l'auteur d' «En attendant le vote des bêtes sauvages».
publié le 21 septembre 2000 à 4h34

Il y a des textes plus évidents que d'autres, qui s'ouvrent à vous plus vite. Allah n'est pas obligé en fait partie. On ouvre, on lit: «Je décide le titre définitif et complet de mon bla-bla est Allah n'est pas obligé d'être juste dans toutes ses choses ici-bas. Voilà. Je commence à conter mes salades.» Avec quatre romans seulement mais soixante-treize années à son actif, l'Ivoirien Ahmadou Kourouma, prix du Livre Inter 99 pour En attendant le vote des bêtes sauvages, réussit l'exploit d'être à la fois un jeune romancier et un vieil écrivain. Dès les premières lignes de ce texte en bataille, épineux et dissonant, le lecteur se sent pris en charge par un puissant démiurge. On s'abandonne donc à la lecture d'Allah n'est pas obligé comme à celle d'un classique ­ mais d'un classique moderne.

Les «salades», le «bla-bla» en question, c'est le récit de Birahima, enfant-soldat qui a peut-être 12 ans et qui, à la recherche de sa tante, traverse les guerres du Liberia et de la Sierra Leone dans les années 90. C'est une satire de la guerre, non loin de Candide ou du Voyage, satire horrible, qui saute à pieds joints dans l'effroi et raconte les scènes de torture, de viol, de massacre, la folie des chefs et l'aliénation des soldats à travers les yeux sans compassion d'un «small-soldier»: «Il y avait parmi les soldats-enfants une fille-soldat, ça s'appelait Sarah. Sarah était unique et belle comme quatre et fumait du hasch et croquait de l'herbe comme dix. Elle était en cachette la petite