Bordeaux, envoyé spécial.
Malgré le titre, Apprendre à finir, personne ne meurt dans le deuxième roman de Laurent Mauvignier: «J'ai fait des progrès, dit-il, dans Loin d'eux, c'était l'hécatombe». Laurent Mauvignier est né à Tours en 1967, il y a passé presque toute sa vie, sauf quatre années à Paris, et Bordeaux, maintenant, depuis un an. Il vient de s'y marier. C'est à peu près tout ce qu'il dit de lui, il ne veut rien cacher, au contraire, toute sa douleur est dans ses livres, l'impudeur est dans ses livres, aussi préfère-t-il ne pas se livrer. Il se livre un peu pourtant, malgré lui, pour se délivrer. Il dit qu'il a commencé à écrire à 8 ans, qu'il a définitivement arrêté à 16, qu'il a gagné le plus gros de sa vie en faisant le pion pendant huit ou neuf ans, que ça n'a guère d'intérêt. A 8 ans il a passé plusieurs séjours de plusieurs semaines à l'hôpital, il dit qu'il a risqué sa vie, que sans ces ennuis de santé il aurait sans hésiter consacré sa vie au sport, il ne dit pas quels ennuis: «A l'hôpital, on vous offre des livres et des cahiers, j'ai dévoré les livres, j'ai rempli les cahiers. Chez nous, il n'y avait aucun livre, on regardait la télévision. Sans livre, on est obligé d'avoir de grands yeux, de grandes oreilles.»
Laurent Mauvignier écrit sans désemparer, dès l'âge de 12 ans il torche des romans de plus de cent cinquante pages, «aussitôt finis, aussitôt relus, aussitôt jetés. Je n'ai rien gardé, je n'ai pas de regret, je ne saurais pas où les mettre, ça m'amuse